À quel point votre ville sera-t-elle chaude et humide dans l’avenir?

L’indice humidex est une façon typiquement canadienne de calculer la sensation de chaleur lorsque la température de l’air est combinée à l’humidité.

Un facteur humidex supérieur à 35 est considéré comme élevé pour un adulte moyen en santé, selon Environnement et Changement climatique Canada. C’est à partir de ce seuil qu’il est généralement recommandé de modérer toute activité physique à l’extérieur pour prévenir les coups de chaleur.

L’humidité rend la chaleur particulièrement dangereuse lorsqu’elle atteint un point appelé température au thermomètre-globe mouillé. Les humains régulent la température de leur corps en transpirant, libérant ainsi la chaleur par évaporation. Lorsque l’air est saturé d’humidité, ce processus n’est pas aussi efficace.

Dans certaines grandes villes, comme Toronto et Montréal, consulter l’indice humidex en été est aussi normal que de consulter le refroidissement éolien en hiver.

Mais dans d’autres régions, surtout dans certaines parties de l’Ouest canadien, les journées chaudes et humides sont rares ou pratiquement inexistantes.

Cela pourrait toutefois changer.

Sans des réductions importantes et immédiates des émissions de gaz à effet de serre, les changements climatiques pourraient augmenter considérablement l’indice humidex moyen au pays. En effet, lorsque les températures augmentent, l’air retient davantage d’humidité.

Dans l’ensemble du Canada, le sud-ouest de l’Ontario est susceptible de connaître le plus grand nombre de jours par année avec un facteur humidex supérieur à 35 d’ici 2100.

Par exemple, à Windsor, même dans le cas d’un scénario de faibles émissions de gaz à effet de serre, le nombre de jours avec un indice humidex de plus de 35 pourrait passer d’environ 26 par an (moyenne historique pour 1981-2010) à environ 57 d’ici la fin du siècle. Dans un scénario d’émissions élevées, il pourrait passer à environ 102 jours par an.

Cela ne signifie pas que le reste du pays ne sera pas touché. Edmonton pourrait voir le nombre de jours avec un indice humidex de plus de 35 passer d’environ un par an (1981-2010) à environ quatre d’ici la fin du siècle avec un scénario de faibles émissions. Dans le cas d’un scénario d’émissions élevées, ce nombre pourrait grimper jusqu’à 31 jours par an.

Alors que les habitants du sud-ouest de l’Ontario ont l’habitude des facteurs humidex élevés, les résidents des régions qui vivent moins souvent une chaleur humide risquent de ne pas être prêts à ces changements.

« Les régions qui ne sont pas habituées à vivre avec un humidex élevé peuvent être encore plus vulnérables », affirme Kenneth Chow, climatologue à Environnement et Changement climatique Canada.

La plupart des logements à Toronto ou à Montréal, par exemple, disposent de l’air conditionné, tandis que la majorité des maisons à Edmonton et à Calgary n’en ont pas.

Kenneth Chow ajoute que le temps chaud et humide est si rare dans certaines parties de l’Ouest canadien que certaines personnes n’ont jamais entendu parler du terme humidex.

Lors d’un des épisodes de chaleur les plus meurtriers au Canada – le dôme de chaleur qui a frappé l’ouest du pays en 2021 –, les températures ont grimpé à près de 50 °C à certains endroits, causant 619 décès en Colombie-Britannique et environ 66 décès en Alberta. Cependant, cet événement s’est produit dans des conditions chaudes, mais sèches.

Lorsque l’humidité se met de la partie, la chaleur peut être mortelle à des températures beaucoup plus basses.

Selon Environnement et Changement climatique Canada, une personne en santé devrait être prudente lorsque l’humidex atteint ou dépasse 35. Au-delà de 40, le risque devient extrêmement élevé et toute activité physique inutile doit être évitée.

Glen Kenny, directeur de l’unité de recherche en physiologie humaine et environnementale de l’Université d’Ottawa, émet une mise en garde : ces seuils peuvent être sécuritaires pour certaines personnes et trop élevés pour d’autres.

« L’humidex n’est qu’un élément de l’équation », dit-il. Il faut aussi tenir compte de l’environnement immédiat, du type d’activité physique et des vêtements portés.

Par exemple, un jeune adulte du Texas habitué à travailler dans des conditions chaudes et humides tolérera mieux un humidex élevé qu’une personne de Victoria, en Colombie-Britannique, ou d'Iqaluit.

M. Kenny ajoute que, généralement, les personnes âgées ont plus de mal à tolérer la chaleur et que le corps des femmes ne se refroidit pas aussi facilement que celui des hommes. D'autres facteurs comme le manque de sommeil, plusieurs jours d'exposition à une chaleur élevée et des problèmes de santé, comme le diabète, peuvent également réduire la tolérance d'une personne.

Les projections, ajoute M. Kenny, peuvent aider les gens à comprendre comment s’adapter aux changements climatiques – en restant à la maison au frais, en augmentant le nombre de parcs et en ouvrant des haltes fraîcheur.

M. Chow précise que même dans les endroits habitués à une humidité élevée, la forte augmentation du nombre de jours projetés avec un humidex élevé reste inquiétante, surtout pour les populations les plus vulnérables.

« Il faut absolument poursuivre les efforts pour renforcer la résilience », soutient-il.

Méthodologie

Les données humidex proviennent du Pôle d'analyse et de visualisation de l'information climatique et scientifique (PAVICS). Elles sont basées sur des projections utilisant des moyennes sur 30 ans du CMIP6 (scénarios climatiques de la phase 6 du projet d'intercomparaison de modèles couplés), le modèle de projection climatique le plus récent. Les données historiques vont de 1950 à 2014. Les projections commencent en 2015 et se terminent en 2100.

Il existe trois scénarios d'émissions dans ce projet : émissions élevées (CMIP6 SSP 5-8.5), émissions moyennes (CMIP6 SSP 2-4.5) et émissions faibles (CMIP6 SSP 1-2.6).

Les villes dans lesquelles on recueille les données sont les plus grands centres de population du Canada, les capitales et les stations de CBC/Radio-Canada.

La formule de calcul de l'humidex provient du Centre canadien des services climatiques.